Vous avez du temps? Ça va être long mais détaillé et je vais m'arranger pour pas que ce soit trop emmerdant. Prenez un bon café et installez-vous comfortablement, j'ouvre le robinet à connaissances. Avant de commencer, je veux être clair. Cet article n'est pas un avis juridique mais un partage d'informations et d'expérience. Ce que vous allez faire avec est votre responsabilité. Si vous croyez que je vais décrire comment faire des passe-droits, détrompez-vous. Si vous êtes curieux de la logistique derrière l'application de la Loi au Québec, vous êtes à la bonne place. Commençons.
Avant de devenir un bum/hippy/gitan/nomade, j'étais une personne chargée de l'application de la loi pour le service de patrouille de la Ville de Dollard-des-Ormeaux pendant 33 ans dont 17 en tant que commandant et officier de liaison avec la cour de Montréal. 7 000 constats émis chaque année pour des infractions allant d'un simple billet de stationnement à des causes plus complexes de nuisances, zonages, etc. Ma job consistait en partie à m'assurer que mes agents accomplissaient le tout selon les règles et de monter les dossiers de preuves. J'ai aussi participé à la rédaction de quelques règlements. Ce n'est qu'une partie du travail que j'éxecutais chaque jour mais je vais m'en tenir à ça vu le sujet présent. Tout ça pour dire que non, je n'étais pas policier mais ça n'a rien à voir avec un gérant de supermarché. Je vais vous expliquer la différence un peu plus loin.
Appliquer la Loi au Québec n'a rien à voir avec les façons improvisées du Juge Roy Bean du Texas au 19e siècle. Les policiers et les personnes chargées de l'application de la loi sont régis par le code de procédures pénal du Québec (CPPQ). Cette Loi, pas un code d'éthique ou suggestion mais bien une Loi, dicte dans les moindres détails toutes les démarches à suivre pour accomplir ce travail. Si ça vous chante de le consulter, il est en ligne avec ses plus de 400 articles. Le CPPQ spécifie également qui peut appliquer la loi au Québec. Les policiers ont le pouvoir d'appliquer le Code de la sécurité routière(CSR), les divers règlements municipaux dans leurs juridictions ainsi que le devoir de faire respecter le Code Criminel du Canada. Ce sont des agents de la Paix. Le second groupe sont les personnes chargées de l'application de la loi. Toute personne mandatée pour appliquer une ou des lois a le pouvoir d'identifier et d'émettre des constats de la ou des lois pour lesquelles ils sont mandatés. Les agents municipaux, inspecteurs, agents de sécurité embauchés spécifiquement pour cette tâche et les sympathiques agents du Métro sont des exemples. Les agents de stationnement qui font exclusivement cette tâche n'ont pas le pouvoir d'identifier les individus, l'appplication est faite via la plaque d'immatriculation. Les règles de stationnements et les photos radars sont les seules infractions qui peuvent être imputables au propriétaire d'un véhicule au Québec. Pour le reste, le contrevenant doit être positivement identifié lorsque l'agent émetteur constate l'infraction. Je souligne ici que nulle part dans le texte je dis que les représentants de la loi ont le "droit"de faire ce qu'il font, ils n'en n'ont pas. Ils ont des pouvoirs et des devoirs. Pouvoir = peut faire, devoir = doit faire. L'individu dans sa fonction a des droits comme tout le monde aux yeux de la Charte, mais son poste ou sa fonction n'en a pas.
Toute personne accusée au Canada pour une infraction criminelle ou pénale est innocente jusqu'à preuve du contraire au delà de tout doute raisonnable. Ceci signifie que le fardeau de faire la preuve de votre culpabité réside entièrement sur le dos de la Couronne. Dans le cas d'une infraction pénale, vos bonnes intentions n'ont aucune valeur devant le tribunal. Contrairement à ce que l'on voit à la télé, vous avez fait ou non l'infraction, point à la ligne. Il y a des défenses mais elles sont très pointues et exceptionnelles. Par contre, les faits doivent être constatés de façon non équivoque par les représentants de la Couronne. Ne vous inquiètez pas, tout ceci va faire du sens très bientôt.
Certaines villes mettent en place des règlements interdisant de faire du camping dans tout endroit public sur le territoire. Elles prennent souvent la peine d'ajouter dans le prélude du règlement la définition de "camping" pour les fins du dit règlement. La plupart mentionnent "dormir dans un véhicule" et d'autres vont même plus loin en ajoutant "ou tout autre activité relié au camping dans un véhicule". C'est large me direz-vous et vous avez raison. Les villes peuvent limiter l'accès de façon physique ou légale à des endroits dont elles sont le propriétaire avec des affiches stipulant le numéro du règlement ou avec des restrictions de stationnement, aucun problème avec ça, c'est légitime. On a aucun choix à se plier, c'est clair et précis. Par contre, c'est une autre histoire lorsque notre véhicule est légalement stationné. Je vais vous présenter deux scénario.
Scénario 1, le règlement de zonage.
Des villes comme Magog intègrent l'interdiction dans leur règlement de zonage interdisant l'utilisation d'un véhicule pour y résider. Alors, une van avec vitres masquées se stationne dans un Walmart pour y passer la nuit. Un agent de la municipalité passe ou reçoit une plainte et émet un constat avec le numéro de plaque seulement sur le pare-brise du véhicule avec une amende en vertu du règlement de zonage. Voici maintenant pourquoi je n'aurais jamais émis ce constat. Premièrement, il s'agit d'un règlement autre que du stationnement ou du CSR. Je dois utiliser un constat autre que stationnement qui ne me permet pas d'utiliser la plaque car je dois identifier le ou les contrevenants en personne. Deuxièmement, il m'est impossible de constater l'infraction si je ne vois personne dans le véhicule. Impossible de constater les faits. Troisièmement, un règlement de zonage est imputable au propriétaire des lieux. Donc, pouvoir prouver que le véhicule est utilisé comme résidence, mon constat devrait être rédigé pour le Walmart et non l'occupant de la van. Dans un tel cas, il est important de noter que le Walmart pourrait demander votre expulsion et vous n'avez aucun recours.
Scénario 2, le règlement de nuisance.
Ici je vais utiliser un évenement qui est arrivé pour de vrai à Tadoussac l'an dernier. Les occupants d'un véhicule étaient légalement stationnés sur la voie publique. Un agent municipal a constaté un mineur alongé sur un lit aménagé sur les bancs avant et a émis un constat en vertu du règlement de nuisance qui interdit à toute personne de dormir dans un endroit publique à la plaque du véhicule et laissé le constat sur le pare-brise. Le reste des vitres du véhicule étaient opaques. Voici les raisons que j'aurais données à mon agent pourquoi son constat n'était pas bon et ne tiendrait pas en cour. Un, bien que le mineur sur la banquette avant dormait et qu'il l'a constaté, il n'était clairement pas le propriétaire du véhicule. De plus, s'il avait en bas de 14 ans, illégal de lui émettre un constat. Deux, est-ce que le propriétaire du véhicule était présent à l'intérieur? Y avait-il d'autres personnes à bord? Sans parler qu'il n'a pas constaté si eux aussi dormaient. Trois, l'intérieur d'un véhicule n'est pas un endroit public comme un banc de parc. Quatre, un constat autre que stationnement doit être signifié en personne lors de l'infraction ou par huissier ou courrier certifié au contrevenant à l'intérieur de 24 heures après l'infraction selon le CCPQ. Dans le cas du constat dans cette histoire, le mauvais numéro de règlement avait été inscrit en plus, une erreur fatale aux yeux de la cour. J'ai perdu contact avec la personne qui a reçu ce constat qui avait été à la Ville de Tadoussac pour indiquer clairement qu'elle avait l'intention de le contester. J'avais le numéro du constat et j'ai consulté les dossiers de la cour en ligne, il est inexistant. Tirez en vos propres conclusions.
Une cause pénale comme une infraction à un règlement municipal n'est pas complexe comme une cause au criminel, mais elle demande la même rigueur au niveau de la preuve. J'ai vu des policiers se planter à quelques occasions pour de simples causes de nuisance, moi aussi d'ailleurs. Personne n'est parfait.
J'ai écrit cet article pour deux raisons. Que vous soyez informés au cas où par malheur ou mégarde ça vous arrive et pour que les municipalités qui votent ce genre de règlement réalisent qu'il est plus facile de les écrire que de les appliquer. Cet article n'est pas une invitation à affronter les villes qui déclarent illégal notre style de vie. Personnellement je passe mon chemin et j'arrête ailleurs. Un jour elles réaliseront que c'est pas avantageux de tout nous mettre sur le dos. En attendant il y a encore des villes et villages qui acceuillent à bras ouvert les étranges.
Si une nuit on cogne à votre porte et que vous ouvrez à un agent, selon moi on a pas à le faire mais je n'ai pas eu le temps de faire de recherche là dessus, identifiez-vous, vous pouvez dire à l'agent que vous allez excercer votre droit au silence et vous la fermez. Vous avez beau avoir les yeux dans la graisse de bean, en pyjama et les couvertes du lit visibles que c'est pas un constat que vous dormiez. Les"j'en déduis" et les "tout porte à croire" ne sont pas des faits et ne sont jamais admissibles en cour. Votre afirmation verbale que vous dormiez dans une gentille conversation, oui par contre.
Bonne Route
Gerry :)
Merci Gerry, c'est clair et précis. De plus, j'apprécie lorsque tu donnes des exemples.
ReplyDeleteJe me demandais si je peux mentionner à l'agent la recommandation de la SAAQ concernant la fatigue au volant. Voici ce que dit la SAAQ: "Si vous êtes fatigué, la seule solution est de vous arrêter pour vous reposer." "En cas de grande fatigue, la sieste vous permettra de poursuivre votre route en sécurité plus longtemps."
Est-ce que je peux dire à l'agent que je me suis arrêté dans un endroit sécuritaire et légal pour me reposer tel que recommandé par la SAAQ? Est-ce que si je lui fais part du conseil de la SAAQ cela sera considéré comme une affirmation verbale dans une conversation gentille?
P.S. C'est certain que si l'agent repasse 2 heures plus tard, l'excuse de la sieste perd de sa crédibilité... Donc, c'est mieux de m'identifier et de dire que j'exerce mon droit au silence. Qu'en penses-tu Gerry?
DeleteC'est un move sage en effet.
DeleteNe pas donner signe de vie à des agents qui cognent à ta porte, est-ce une infraction ?
ReplyDeleteEn ce qui me concerne j'ai toujours ouvert ma porte et resté respectueux (Depuis 8 ans c'est arrivé 3 fois). Je leur demande s'il y a un endroit où je peux aller mais bien souvent ça se termine avec un avertissement et il me laisse finir ma nuit.
Il est certain que le spot est brillé pour une prochaine fois.
Merci Gerry
Je voulais dire "brûlé" et non brillé...
ReplyDeleteVivre les correcteurs automatiques
;-)